Les militants du Comité Palestine de Rodez ont décidé de consacrer désormais une partie de leurs réunions mensuelles à des formations. Au mois d'Avril, un exposé a été fait à propos de l'ouvrage de l'historien israélien Slomo Sand Comment le peuple juif fut inventé ? Le mois prochain ( mardi 7 mai à 18h à la maison des associations à Rodez) nous évoquerons la situation actuelle en Palestine.
Voici le compte-rendu de l'exposé :
L'auteur et son contexte :
L'auteur de cette thèse est Slomo
Sand, 67 ans, professeur à l'université de Tel Aviv. Slomo Sand a
milité à l'extême-gauche israélienne qui était favorable à deux
républiques distinctes, palestinienne et israélienne, au sein d'une
même confédération.
Il fait partie de l’École des
Nouveaux Historiens israéliens. Cette école est née au départ de
cinq chercheurs qui ont réexaminé à la fin des années
quatre-vingt l'histoire de la naissance d'Israël. Ce travail a été
rendu possible grâce à l'ouverture des archives israéliennes et
britanniques sur les événements de 1948 qui ont remis en cause
l'historiographie israélienne traditionnelle (sur les causes de
l'exode palestinien notamment). Ces recherches suscitèrent de
nombreuses polémiques dans les milieux académiques. D'autres
chercheurs ont ensuite élargi les champs d'études à toute
l'historiographie sioniste.
Cette école se rattache au courant du
post-sionisme qui considère que le sionisme est une idéologie
dépassée. Israël est devenu un fait incontournable, son existence
n'est plus remise en cause, ce qui va à l'encontre de la thèse
officielle de l’État israélien en danger permanent. Dans cette
nouvelle optique, les relations avec les palestiniens seraient
forcément différentes.
Le livre :
L'histoire officielle de l’État
d'Israël raconte que le peuple juif, les hébreux, a été expulsé
de Palestine par les romains au premier siècle après JC à la suite
de révoltes réprimées. Une partie de la population juive serait
allée au Nord-Est jusqu'à Moscou pour redescendre ensuite en Europe
de l'Est. Une autre partie aurait traversée l'Afrique du Nord pour
s'établir au Maroc, en Algérie et en Tunisie.
Cette historiographie permet de
justifier deux principes majeurs du sionisme, à savoir que l’État
d'Israël est l’État des juifs du monde entier et non celui de
tous les citoyens qui y vivent (voir plus bas) et les juifs du monde
entier peuvent exercer leur droit au retour.
Première remarque de l'auteur :
il n'y a aucun sujet de recherche en Israël sur l'Exode des juifs
alors que c'est pourtant un mythe fondateur de l’État d'Israël.
Deuxième remarque : Slomo Sand ne
prétend rien découvrir comme éléments historiques nouveaux. Il
reprend des éléments qui sont connus des historiens mais pas
forcément du grand public et il les réageance différemment..
Ainsi Slomo Sand site les travaux d'un
historien du proche-orient Maurice Sartre qui confirme qu'il est
indiscutable qu'il n'y a pas eu d'exil général des juifs à la
suite des révoltes de 70 et 135 après JC. Les romains n'avaient pas
les moyens logistiques de les déplacer sur de si longues distances.
Cela aurait été également une aberration économique puisque les
romains percevaient de forts impôts sur ce peuple d'agriculteurs. Il
y eut des déplacements de population mais pour cause de
surpopulation, de la Judée vers la Galilée (une centaine de
kilomètres) au IIème après JC.
Les premiers israéliens le savaient :
David Ben Gourion (premier premier-ministre) et Yitzhak Ben Zvi
(deuxième président d'Israël) affirmaient encore en 1929 que les
palestiniens étaient les descendants les plus direct des hébreux.
L'histoire de l'exode est d'abord une
histoire que l'on trouve chez les chrétiens (et dans la Bible) et
était destinée à recruter les juifs dans le christianisme (l'exil
aurait été une punition de Dieu pour avoir laissé mourir le
Christ)
S'il n'y a pas eu d'exil, comment sont
donc arrivés les juifs en Europe et en Afrique du Nord ? Les
historiens de la période antique soulignent que le judaïsme est la
première religion prosélyte. Entre le deuxième siècle avant JC et
le deuxième siècle après JC, il y a une forte expansion du
judaïsme dans le bassin méditerranéen.
Certaines conversions ont été
forcées, c'est le cas dans l’État Hasmonéen (transjordanie) en
125 av JC, des textes d'auteurs romains de l'époque s'en inquiètent.
Mais la plus part du temps, les conversions sont spontanées grâce à
l'effort de missionnaires juifs, la morale juive séduisant. Ainsi
des romains et des gaulois se convertissent au judaïsme. En l'an 0,
on estime à 7 ou 8% de la population de l'Empire Romain adhérente à
la religion juive.
En parallèle, le nombre de juifs en
Palestine diminue progressivement. Les populations se convertissent
au Christianisme puis à l'Islam.
Par la suite, lorsque le Christianisme
et l'Islam deviennent dominants dans leurs zones d'influences
respectives, les juifs ont arrêtés leur prosélytisme pour
préserver leur religion. Ils se sont fait discrets pour ne pas
entrer en concurrence et risquer d'être éliminé. Cependant dans
d'autres régions du monde, les missionnaires juifs ont continué
leur conversion. Ainsi dans la péninsule arabique de l'actuel Yémen,
il y eut pendant 150 ans un royaume juif. Le Royaume d'Adiabène (qui
correspond au Kurdistan et au sud de l'Arménie) était juif au
premier siècle après JC.
Autre exemple, même si celui-ci est
controversé :le Royaume Khazar . Slomo Sand reprend des thèses
défendues par Ernest Renan, Arthur Koestler ou le linguiste
israélien Paul Wexler. Le royaume Khazars se situait entre la Mer
Noire et la Mer Caspienne et était composé de populations d'origine
turc. Au VIIIème siècle le roi se convertit au judaïsme (et le
peuple suit). Les Khazars vont ensuite être expulsés par les
Mongols et se réfugient en Europe de l'Est. Ce serait ainsi les
ancêtres des yiddish (ce qui expliquerait la syntaxe d'origine slave
de la langue yiddish malgré 80% de mots d'origine allemande).
L'histoire de l'exil de la Bible est
reprise par les juifs à partir du XIIIème siècle. Jusqu'au XIXème
siècle, les juifs du monde entier ne se considèrent comme
communauté que par la religion, il n'y a pas d'idée de peuple. La
notion de Terre Promise est étrangère au judaïsme initial (sinon
pourquoi les Khazars ne seraient pas allé en Palestine?).
Ces histoires connues ont peu à peu
été effacées de l'histoire officielle qui veut désormais
présenter un peuple uni. Quand Israël conquiert Jérusalem en 1967,
il faut que les soldats soient descendants du Royaume de David et non
des immigrés européens ou américains.
La conception historique constitue la
base de la politique identitaire de l’État d'Israël. C'est une
définition ethnocentrique du judaïsme qui gomme toute la richesse
des différentes cultures auxquelles la religion juive s'est liée et
alimente la ségrégation entre juifs et non-juifs. Il y a un mythe
national de l’État d'Israël comme pour tous les États, mais ce
mythe est exclusif, Israël se définit comme un État juif. Slomo
Sand reprend les propos de Sammy Samooha, sociologue à l'université
de Haïfa qui parle de démocratie ethnique à propos d'Israël.
Israël n'est pas une république, un
quart de sa population n'est pas juive, cet État n'est donc pas le
leur. Leurs droits de citoyens sont restreint. Même si Israël se
retire des territoires de 1967, les contradictions de l'État ne
seraient pas résolu. Pour Slomo Sand une révolte des arabes de
Galilée risque d'être imminente et serait un scénario catastrophe
pour les dirigeants israéliens.
La mythologie de ''l'ethnie juive'' est
faite pour empêcher la pénétration d'étrangers. Pourtant aucun
juif vivant dans une démocratie occidentale ne supporterait de subir
le traitement qu’Israël impose aux arabes israéliens, mais les
partisans du sionisme en Israël et dans le monde ne sont pas gênés
par cet apartheid.